J'ai longtemps hésité à écrire cet article. Les souvenirs douloureux ont refait surface quand j'ai lu un article sur le blog de French Onion. Après être intervenue, je me suis demandé si je devais écrire ou pas une période aussi intime et
humiliante de ma vie. J'ai continué à écrire d'autres choses, mais cet article poussait dans ma tête pour sortir et se faire écrire, écrasant mes autres idées, comme s'il avait sa volonté propre.
D'où mon silence de ces derniers jours sur mon blog. Et puis, je me suis dit que ce blog est autant un exutoire qu'une thérapie gratuite. J'ai donc décidé de me lancer aujourd'hui.
Je m'excuse d'avance pour le fiel et la violence éventuelle qui pourraient ressortir de cet article. La blessure est encore à vif malgré le temps qui a passé.
Je l'ai rencontré il y a 12 ans alors que j'étais une toute jeune étudiante de japonais. J'avais rencontré une jeune Japonaise qui étudiait le français dans la ville où je faisais mes études et
nous avons commencé à nous voir. Elle avait un petit groupe d'amis Japonais et elle m'a introduite à eux. C'est à cette occasion que j'ai rencontré mon futur cauchemar...
Au début, il était gentil, très motivé pour apprendre le Français. Moi, toute contente de me faire des amis Japonais et intéressée par ce garçon un peu timide et malgré tout attentionné. Il était
plus petit que moi, mais je trouvais ça plutôt mignon et attachant.
Un soir, nous avons discuté plutôt tard que d'habitude en tête à tête et les choses se sont faites naturellement. C'était mon premier petit ami et je découvrais tout d'une vie de couple. J'avais
donc une belle paire de lunettes roses bien incrustées devant mes yeux de jeune fille en fleur... Cocktail extrêmement dangereux...
Au début, il était attentionné, gentil, plein de sollicitude avec moi, digne d'un héros de roman sentimental. Je me sentais aimée et choyée.
Puis, petit à petit, certaines choses ont commencé à faire surface, le masque commençait à s'effriter.
Une dispute à propos de la vaisselle dans son évier que lui n'avait pas faite mais que j'aurais du naturellement faire sans me poser de questions alors qu'on ne vivait pas ensemble.
Des remarques sur mes fesses un peu trop rondes et un surnom peu gracieux. (Monprénom+ketsu qui signifie Monprénom+gros cul...). Moi, trop gentille, je ne répliquais pas, un peu trop nunuche
aussi sans doute...
Il trouvait drôle de m'éternuer dessus pour me faire râler, ce gros dégueulasse plein de soupe !!! Il adorait que je râle. Mais j'aurais dû lui décalquer sa face de connard dans le mur, voilà ce
que j'aurais dû faire !
Puis vint le jour fatidique de son retour au Japon. Je suis partie avec lui, trop étouffée par son influence nocive.
Je dois dire que ce séjour a été une vraie bénédiction du point de vue de l'apprentissage de la langue et de la découverte de ce pays qui me fascinait. S'il était un peu pénible, le Cauchemar
n'était pas encore trop agressif dans son attitude à moins que je ne lui tienne tête. Un jour, j'ai refusé de me souper les cheveux. Il m'a fait un véritable crise de nerfs pour ça. Mais je
refuse que mon séjour magique au Japon soit entaché de mauvais souvenirs. Le plaisir de la découverte a occulté un peu les mauvais souvenirs. Il y en a beaucoup mais ils sont un peu moins vifs et
me paraissent aussi vraiment dérisoires avec ce qui a suivi en fait... Et puis, j'étais plus docile, car perdue dans un pays que je connaissais peu, livrée à moi-même s'il me laissait. Quand je
regarde avec le recul, j'étais pieds et poings liés...
9mois plus tard, nous revenions tous deux en France. Moi parce que je devais reprendre mes études, lui parce qu'il devait terminer un mémoire qu'il était sensé avoir écrit pendant son retour. Ce
qu'il n'a jamais fait. Il était fort en paroles mais les actes, zéro.
Mes parents avaient, malgré leurs moyens limités, loué pour nous un petit appartement pour que nous ayons notre intimité, car chez eux, c'était trop petit. Mon père avait donné un coup
de jeune à l'appartement, car il était en mauvais état. Et au lieu de voir les bons côtés, M. Connard a passé son temps à râler et dire qu'il n'y avait pas ci, pas ça sans jamais lever le petit
doigt pour faire quoique ce soit. En gros, il se prenait pour le roi...
Et là, ce fût la descente aux enfers.
Jamais il n'avait été aussi infect. Mes parents essayaient pourtant de lui rendre la vie la plus douce possible. Mais rien n'était jamais assez bien pour lui. Oh bien sûr, jamais il ne leur
disait en face, il attendait qu'on soit tous les deux. Et moi, je rongeais mon frein, trop faible...
Il a aussi insisté pour que je coure tous les matins pour maigrir parce que j'étais trop grosse à son goût... Tandis que lui dormait jusqu'à 11h du matin...
Mais en signe de rébellion, je ne courais pas et me réfugiais chez mes parents. Je sais, ça parait faible, mais je revivais...
Un jour, je parlais de cette histoire de course devant ma mère. Il m'a fait une scène ensuite, me disant que c'était nos affaires. Tellement frustrée et énervée, je l 'ai giflé, en larmes. Il m'a
renvoyé la gifle direct dans les dents. Je commençais à perdre mon sang froid, priant pour que son séjour prenne fin le plus vite possible, trop faible pour le mettre à la porte. Mais quelle
conne j'étais...
Une autre fois, il a brisé un saladier parce que je ne coupais pas les oignons comme il le souhaitait.
Il ne faisait rien, pas de ménage, pas de cuisine. Il dormait, jouait aux courses de chevaux et rien d'autre, comme le digne paresseux qu'il était... Mes mains tremblent de colère, là...
Respirons, respirons. Je voudrais l'avoir sous la main et lui faire mal... Non, ce n'est pas bien....
Comme il ne pouvait rester que deux mois, n'ayant pas de visa plus long, il dû repartir au Japon. Je dois dire que son départ m'a apporté la paix de l'âme. C'est idiot mais je n'ai pas eu le
courage d'en finir en lui parlant face à face.
Je n'ai réussi à me défaire de son emprise malsaine et toxique qu'une fois qu'il est reparti dans son pays. Lentement, j'ai réalisé que je reprenais goût à la vie. Mes amis me disaient que je
n'étais plus la même, que je souriais de nouveau à pleines dents, que j'étais à nouveau moi-même. Là j'ai réalisé le mal qu'il m'avait fait.
Je l'ai plaqué au téléphone, quelques semaines plus tard. Et je dois avouer que j'avais envie de lui faire mal... Ai-je réussi ? Je l'ignore... J'étais trop axée sur mon soulagement d'en finir,
que je n'ai pas trop fait attention à ce qu'il ressentait au bout du fil, en fait...
Mais il avait planté la graine du doute et du mal-être en moi. J'étais déjà un peu complexée mais là, je me voyais difforme et moche. Aujourd'hui encore, j'ai du mal avec mon corps, avec en plus
mes petits kilos en trop. Je ne suis pas bien à 100% dans ma peau, je me cache, je m'excuse pour un rien...
Mais je dois dire que ma rencontre avec mon mari actuel, quelques mois plus tard, a été une véritable planche de salut pour moi. Avec lui, j'ai réalisé que mes sentiments pour le Cauchemar
étaient morts depuis longtemps, remplacés par de la rancoeur.
Mon mari a eu du mal à percer la carapace, mais peu à peu, je l'ai laissé entrer dans ma tête, dans mon coeur. Maintenant, je suis heureuse, un peu frustrée de la distance qui nous sépare, mais
heureuse. S'il y a un problème, nous le réglons dans le respect de l'autre. Nous ne nous permettons pas de rabaisser l'autre. Et je me sens plutôt épanouie. Je ne dis pas que je suis au maximum
de mes capacités, mais je suis bien loin de la loque qu'il a récupéré.
Malgré cela, il m'arrive encore de rêver que je me retrouve face au Cauchemar et que je lui crache mon fiel et mon venin à la figure pour l'humilier autant qu'il l'a fait. Je sais, c'est
puéril. Mais je crois que j'ai encore ce regret de n'avoir pas été assez forte pour l'envoyer balader de vive voix, de le jeter à la porte et de me sentir forte et courageuse.
Je crois que c'est un regret qui me poursuivra toute ma vie...
Ah et oui, les deux seuls avantages de notre histoire : je parle très bien le japonais et je suis devenue un peu plus féminine. Autant finir sur une touche positive, non ? Sinon, trop victime à
mon goût. Je crois que ça prouve que j'ai changé un peu, non ? Rassurez-moi...